Conclusion:
Les sciences sociales ont effectué
un important travail de reformulation, de problématisation et de critique de la
notion de mondialisation, passée depuis deux décennies dans le sens commun. Son
importation a aussi permis un véritable renouvellement épistémologique et
méthodologique au sein des sciences sociales, plutôt que la naissance
d'hypothétiques global studies (par ailleurs en vogue aux États-Unis).
Le discours de la mondialisation, désormais omniprésent dans les sphères médiatique
et politique, a été majoritairement exprimé autour de problématiques
économiques (échanges internationaux, délocalisations, finance,
protectionnisme, etc.). Le cas échéant, il a été simplifié au travers de débats
fermés, articulés autour d'une définition floue et de grandes oppositions : «globalistes
» versus « sceptiques », nouveauté versus temps long, flux versus territoires,
cosmopolitisme versus nationalisme, homogénéisation versus diversification.
C'est le flou d'une telle notion et de tels débats qui a fait son succès et sa
plasticité. Or les sciences sociales ont montré que les objets et phénomènes
associés à la mondialisation sont loin de se ramener exclusivement à l'économie
et indiquent que, loin d'être un jeu à somme nulle, la mondialisation semble
souvent renforcer en même temps les deux termes apparemment inconciliables de
ces grandes oppositions. Elle est ainsi à la fois un discours performatif et un
« syndrome » aux multiples causes. Elle relève à la fois de l'histoire longue et
de l'asymptote vers l'instant, comme le montre un État à la fois menacé par la
montée en puissance des marchés internationaux ou de réseaux déterritorialisés et
demeurant un interlocuteur privilégié en pleine reconfiguration juridique et
bureaucratique. Elle se lit à la fois dans les deux espaces du réseau et de la
localité, qu'on peut articuler entre eux par la prise en compte d'échelles
imbriquées élaborées par des acteurs, ou depuis les sites privilégiés
d'observation que sont les villes. Elle désigne à la fois le cosmopolitisme des
élites transnationales ou de la société civile globale et la contrainte pesant
sur les individus, mais aussi le transnationalisme par en bas de migrants
entrepreneuriaux. Enfin, elle renvoie à un sentiment ambivalent à l'égard des
circulations culturelles : on peut y voir à la fois une culture mondiale en
voie d'unification et une culture marquée par les asymétries et le polycentrisme.
Il faut donc se prémunir contre les oppositions schématiques et les approches simplificatrices
: la mondialisation est un objet complexe, c'est-à-dire un espace de projets
concurrents, polarisés, simultanés. Elle est plastique. Son analyse nécessite
de mobiliser l'ensemble des acquis des sciences sociales, notamment
méthodologiques. Au-delà des cadres théoriques, elle requiert surtout la mise
en place d'enquêtes rigoureuses et la multiplication d'observatoires judicieux.
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